Image :  DALL.E et Photoshop

Introduction

Le cobalt est un métal dur de couleur argentée. Ductile et malléable, on peut l’étirer en longs filaments ou le marteler en feuilles minces. Il est ferromagnétique, ce qui signifie qu’il peut rester magnétisé après la suppression d’un champ magnétique. Le cobalt est aussi un catalyseur ; il facilite une réaction chimique tout en demeurant inchangé lui-même. Rare, il ne forme qu’environ 0,001 % de la croûte terrestre. Il porte le numéro atomique 27, et le symbole « Co » dans le tableau périodique.

Cette série présente les éléments du Tableau périodique des éléments chimiques. Ce répertoire, conçu vers 1869 par Dmitri Ivanovich Mendeleïev, rassemble tous les éléments chimiques, qui composent l’univers, tel que nous le connaissons aujourd’hui. L’ingéniosité de ce Tableau tient dans la méthode de répartition des éléments, selon leur numéro atomique, mais aussi selon leurs caractéristiques physiques et chimiques. Ce classement astucieux permet alors d’identifier des éléments existants qui restaient à découvrir, ou même de prédire les propriétés d’éléments chimiques inconnus à l’époque. Sa dernière mise à jour date de 2016, et compte 118 éléments.

En tant qu’élément chimique, la découverte du cobalt se fait en 1735 par le suédois Georg Brandt, chimiste et minéralogiste, et fils de pharmacien. Dix ans plus tard, il démontre que les composés du métal engendrent la couleur bleue. À la fin du 18e siècle, l’un des plus importants lieux d’extraction du cobalt se situe en Norvège, à 1 h 30 d’Oslo en voiture. La compagnie Blaafarveværket, qui veut dire « travaux de couleur bleue », sera en activité plus de 100 ans, afin de produire du verre bleu de cobalt (smalt) et du pigment bleu cobalt. Aujourd’hui, on y trouve le plus grand musée de minier en Europe, et l’une des attractions les plus visitées au pays.

Le cobalt au passé

— Le mot « cobalt » signifie « lutin » en allemand

Le mot « cobalt » provient de l’allemand « kobold », qui signifie lutin ou gobelin. Au Moyen-âge, les mineurs saxons cherchent de l’argent et du cuivre. Parfois, ils tombent sur des minerais qui ressemblent à ces métaux précieux, mais qui s’avèrent sans valeur une fois fondus. De plus, la fusion de ces pierres dégage des vapeurs toxiques nauséabondes (le cobalt est souvent associé à l’arsenic dans la nature). Ces expériences décevantes et dangereuses suscitent la superstition chez les ouvriers. Ils attribuent ces phénomènes à l’œuvre de créatures souterraines malicieuses, qui empoisonnant la terre pour nuire à leur travail. Ils nomment alors cette roche trompeuse « kobold ertz », qui veut dire « minerai de lutin ».

— Le cobalt utilisé depuis l’Antiquité

Bien que non identifié en tant qu’élément chimique avant le XVIIIe siècle, l’humain connaît le cobalt depuis des millénaires. Les premières traces de son utilisation remontent à l’Antiquité, où des artisans l’emploient pour colorer des verreries et des céramiques.

Cet usage se perpétue à travers les âges, avec des preuves archéologiques de sa présence dans la Perse antique ou la Chine de la dynastie Tang (618 – 907). Le « bleu de cobalt » est typique des célèbres porcelaines bleu et blanc de la dynastie Ming (1368-1644). Vers la même période, un verre broyé contenant du cobalt est largement répandu chez les peintres européens de la Renaissance. Appelé smalt, ce bleu sert de substitut au beaucoup plus dispendieux bleu outremer, fait de lapis-lazuli.

Porcelaine bleu et blanc de la dynastie Ming

En 1802, le chimiste français Louis Jacques Thénard met au point le « bleu de Thénard », un pigment à base de cobalt, plus pur et plus éclatant. Cette innovation séduit rapidement le monde de l’art. Les peintres l’adoptent avec enthousiasme, appréciant sa stabilité à la lumière et sa compatibilité avec d’autres couleurs. On retrouve le bleu de Thénard dans les œuvres d’artistes célèbres, tels que J.M.W. Turner et Pierre-Auguste Renoir qui aurait dit : « Un matin, l’un de nous manquant de noir, se servit de bleu : l’impressionnisme était né. »

Le peintre néerlandais postimpressionniste Vincent Van Gogh affectionne particulièrement cette teinte de bleu, qu’il décrit dans une lettre à son frère Théo : « Le bleu de cobalt est une couleur divine et il n’y a rien de plus beau pour installer une atmosphère. »

Le succès de ce bleu synthétique stimule la recherche sur d’autres pigments à base de cobalt, et conduit au développement du vert de cobalt, du violet de cobalt et du jaune de cobalt.

 

Pigments vert cobalt, jaune cobalt, violet cobalt et bleu cobalt.Pigments vert cobalt, jaune cobalt, violet cobalt et bleu cobalt.

 

Le cobalt au présent

— À quoi sert le cobalt

En 2022 :

  • Environ 70 % de la production mondiale de cobalt se retrouve dans les batteries lithium-ion. Depuis le début des années 90, ces piles alimentent nos appareils portables grâce, entre autres, au cobalt. Il permet une meilleure conductivité, une densité énergétique plus élevée et une fabrication plus compacte. De plus, le cobalt augmente la résistance à la chaleur, prévenant la déformation ou la fonte des batteries.
  • 9 % servent aux superalliages, des alliages de métaux à haute performance de résistance, utilisés dans les turbines de moteurs d’avion, par exemple.
  • 5 % sont dans les métaux durs, tels les aimants puissants, notamment ceux à base d’alnico (aluminium — nickel — cobalt) et de samarium-cobalt. L’alliage le plus dur sur Terre serait le récent CrCoNi (chrome — cobalt — nickel) ; plus résistant que le béton et l’acier, et plus malléable que le silicone.
  • 3 % se retrouvent dans les catalyseurs à base de cobalt, employés dans plusieurs procédés industriels, comme le raffinage du pétrole et la fabrication de produits chimiques.
  • 3 % du cobalt entre dans la composition des couleurs et céramiques.

Liste des matériaux présents dans un téléphone intelligent.
© Ingénieur sans frontières – CC BY-NC-SA 2.0

Près de 250 000 tonnes de cobalt sont extraites annuellement (238 300 tonnes en 2023), dont 70 % en République du Congo. La demande croissante entraîne une fluctuation importante de son prix. Entre 2016 et 2018, la tonne passe de 30 000 USD à 95 000 USD, avant de redescendre autour de 30 000 USD en 2023. En août 2024, le cobalt se négocie à environ 24 000 USD la tonne. Ces résultats s’expliquent par l’agitation dans le secteur de la voiture électrique, qui a évolué moins rapidement que prévu. Les mouvements dans le cours du cobalt demeurent à suivre, selon le jeu de l’offre et de la demande chez les constructeurs automobiles, entre autres.

— Les enjeux éthiques et environnementaux concernant le cobalt

L’extraction du cobalt soulève des préoccupations majeures en matière de droits de l’homme, à cause de conditions de travail dangereuses et du travail des enfants, surtout dans les mines artisanales. Les risques pour l’environnement ne seraient pas non plus à négliger ; l’exploitation industrielle peut entraîner la pollution de l’eau, des sols, de l’air et des terres agricoles.

Ces enjeux — et certaines règlementations — mènent à privilégier le recyclage et les alternatives au cobalt :

  • Un procédé hydrométallurgique breveté par une entreprise québécoise permettrait de récupérer jusqu’à 95 % des matériaux précieux, tels que le cobalt, sans recourir à la combustion, réduisant ainsi l’empreinte carbone, comparativement aux méthodes traditionnelles.
  • La compagnie Apple promet d’utiliser du cobalt 100 % recyclé dès 2025.
  • En 2022, le Parlement européen a imposé des cibles pour le recyclage de certaines matières premières. Dès 2027, 90 % du cobalt et du nickel, ainsi que 50 % du lithium contenu dans les batteries de voitures électriques devront être récupérés (ces taux doivent augmenter respectivement à 95 % et 80 % en 2031). Selon leurs calculs, le cobalt recyclé pourrait fournir jusqu’à 67 % de la demande en Europe d’ici 2050.
  • Les chercheurs du MIT ont récemment mis au point un nouveau matériau pour batteries au lithium-ion, sans cobalt ni nickel, qui pourrait offrir une solution plus durable et moins chère pour alimenter les voitures électriques.
  • Les alternatives à surveiller pour réduire la dépendance au cobalt et autres métaux rares se multiplient, avec des technologies encore plus propres, plus éthiques et plus performantes.

Dans la pharmacie

Le cobalt est un composant de la vitamine B12, aussi appelée cobalamine. Sa formule chimique est C₆₃H₈₈CoN₁₄O₁₄P.

On compte 8 vitamines B, toutes présentes naturellement dans l’alimentation, et hydrosolubles ; elles se dissolvent dans l’eau. Ces vitamines s’éliminent par l’urine si elles sont en surplus dans l’organisme, contrairement aux vitamines liposolubles, dont les surplus peuvent se stocker dans les tissus adipeux et le foie.

La B12 est nécessaire au bon fonctionnement du métabolisme, du système immunitaire, du système nerveux et du cerveau. Elle participe entre autres à la formation des globules rouges, à la synthèse des protéines, des lipides, des neurotransmetteurs et de l’ADN.

Le foie, les poissons gras et les huîtres sont d’excellentes sources de vitamine B12. Cependant, une alimentation variée et équilibrée devrait fournir, de manière générale, les vitamines nécessaires au maintien d’une bonne santé. Dans le doute, parlez-en avec votre pharmacien.ne.

L’avenir du cobalt

— Le cobalt au service du biomimétisme

Le biomimétisme est une approche qui emprunte à la nature pour résoudre des problèmes divers, en reproduisant de manière artificielle des processus biologiques. Un résultat célèbre de cette démarche est le velcro, inspiré du fruit de la bardane, une plante commune surnommée « pique-pique » au Québec.

Depuis quelques décennies, la science tente de reproduire la photosynthèse de manière artificielle, afin de créer de l’énergie avec la lumière du Soleil. Une équipe de chercheurs franco-vietnamienne a récemment réalisé une avancée prometteuse dans ce domaine en développant un catalyseur à base de cobalt capable de convertir le CO2 en monoxyde de carbone avec une efficacité jusqu’alors inégalée. Ce système catalytique est rapide, stable et pourrait s’intégrer à une cellule photo-électrochimique qui fonctionnerait de façon autonome avec l’énergie solaire. Cette innovation permet d’imaginer une production durable de gaz de synthèse, un intermédiaire essentiel à la fabrication de divers produits tels les hydrocarbures, dans le contexte d’une économie post-pétrole. Cette technologie pourrait révolutionner notre approche de la gestion du CO2, en transformant un déchet problématique — les émissions — en ressource utile et renouvelable.

— Du cobalt au fond des mers

Le fond des océans abrite de petites agglomérations de métaux, sous forme de galets de 5 à 10 cm de diamètre, nommés « nodules polymétalliques ». Ces dépôts se situent dans les plaines abyssales, à plus de 4000 mètres de profondeur, dans des conditions sous-marines spécifiques, où les courants se font très doux. Les nodules contiennent principalement du manganèse et du fer, ainsi que du nickel, du cuivre et du cobalt. Quelques millimètres de ces galets prendraient des dizaines de milliers d’années à se former. Ce phénomène géologique serait le plus lent de la planète.

Ces gisements constituent pour certains une source potentielle de cobalt pour le futur, mais leur extraction présente des défis environnementaux considérables. L’exploitation minière en eaux profondes cause un stress immédiat sur la faune, la flore, et la santé des océans. Les conséquences globales, à court, moyen ou long terme, sont encore inconnues. À cause du temps nécessaire à la régénération de ces nodules, cette ressource est non renouvelable.

 

Nodule et champ polymétallique

Nodule polymétallique de profil et champ de nodules dans le Pacifique équatorial Nord. Images : Wikipedia

Récemment, lors de débats sur l’avenir de ces fonds marins, des scientifiques ont fait une découverte déconcertante. À 4 km de profondeur dans les abysses, malgré une absence totale de lumière — donc sans photosynthèse, ces nodules polymétalliques créent de l’oxygène. Cet « oxygène noir », en plus de susciter de nouvelles mises en garde face à l’exploitation de ces espaces océanique, remet en question l’origine de la vie sur Terre. Et la réflexion sur la possibilité de vie ailleurs dans l’Univers.

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