L’alchimiste découvrant le phosphore (Joseph Wright, 1771)

Introduction 

Le phosphore est un élément chimique qui porte le symbole P et le numéro atomique 15 dans le tableau périodique. Élément non métallique, il n’existe pas à l’état pur dans la nature ; on le retrouve généralement sous forme de phosphate.

Cette série présente les éléments du Tableau périodique des éléments chimiques. Ce répertoire, conçu vers 1869 par Dmitri Ivanovich Mendeleïev, rassemble tous les éléments chimiques, qui composent l’univers, tel que nous le connaissons aujourd’hui. L’ingéniosité de ce Tableau tient dans la méthode de répartition des éléments, selon leur numéro atomique, mais aussi selon leurs caractéristiques physiques et chimiques. Ce classement astucieux permet alors d’identifier des éléments existants qui restaient à découvrir, ou même de prédire les propriétés d’éléments chimiques inconnus à l’époque. Sa dernière mise à jour date de 2016, et compte 118 éléments.

Essentiel à la vie, le phosphore est un composant structurel des os (phosphate de calcium), de l’ADN, des membranes cellulaires, et de la molécule ATP (adénosine triphosphate), responsable du transport de l’énergie dans toutes les cellules.

Sa découverte est attribuée à l’alchimiste allemand Hennig Brand, en 1669, alors qu’il souhaite créer la « pierre philosophale », pour transformer le plomb en or. À la suite d’expériences avec des sels d’urine évaporée, Brand découvre plutôt un matériau blanc, lumineux, qui brille dans l’obscurité et brûle avec ardeur. Il lui aurait donné le nom de « phosphore » en référence à la planète Vénus, connue des anciens Grecs sous le nom de Phosphorus, et qui signifie « porteur de lumière ».

Le phosphore au passé

—  « Mon Précieux »

Dans les années qui suivent, plusieurs chimistes et autres chercheurs tentent de trouver la meilleure méthode pour obtenir cette matière mystérieuse, issue du corps humain. Ce n’est qu’en 1737 qu’une « recette » devient publique, et l’objet « magique » qui en résulte demeure une curiosité précieuse pour les élites, sans utilité pratique.

On doit attendre le XIXe siècle pour connaître les premiers usages du phosphore, dans la production d’allumettes qui vont rapidement s’avérer nocives, à cause de la nature hautement inflammable et surtout toxique du phosphore blanc. Le phosphore rouge, non toxique et plus stable, permettra l’invention des allumettes dites « de sureté » ; les éléments qui s’enflamment au contact l’un de l’autre sont répartis entre la tête de l’allumette et le côté abrasif de la boîte. Le phosphore rouge entre aussi dans la composition des feux d’artifice.

— L’avènement des engrais chimiques

Vers le milieu du XIXe siècle, les scientifiques ont commencé à explorer les propriétés et les sources des différents minéraux, et réalisent que le phosphore se trouve aussi dans les os, dans la terre, et dans la roche.

Parallèlement, avec l’étude du fonctionnement des végétaux, on constate que le phosphore est un nutriment essentiel pour les plantes. Jusque là, on ne connaissait que les engrais organiques. Dès lors, on comprend qu’une terre pauvre en phosphore peut être amendée (enrichie) pour mieux « nourrir » les plantes et améliorer la croissance des cultures.

Le phosphore au présent

— Dans le corps humain

Nos os et nos dents étant en grande partie constitués de phosphate de calcium, le phosphore est le deuxième minéral le plus abondant dans le corps humain. Il joue un rôle important dans le maintien du ph sanguin, et, comme on l’a vu plus haut, c’est un élément fondamental des membranes cellulaires, de l’énergie des cellules et de la structure de l’ADN, agissant sur la croissance.

Les principales sources de phosphore dans l’alimentation proviennent de protéines, tels les graines de citrouilles ou de tournesol, les haricots et lentilles, le bœuf, les sardines ou le saumon, certains fromages. Cependant, presque tous les aliments contiennent du phosphore. Les apports nécessaires au corps humain seront plus grands durant les périodes de croissance (de 9 à 18 ans), ou durant la grossesse et l’allaitement.

Les carences en phosphore sont peu courantes, tout comme les excès. Les suppléments de phosphore peuvent être recommandés dans certains cas de fatigue ou pour la santé des os, mais pas sans l’avis du médecin ou du pharmacien. À noter que les additifs alimentaires qui contiennent du phosphore (E341), une poudre synthétique ajoutée à de nombreux produits d’épicerie en tant qu’agent de conservation, entre autres, sont à consommer avec attention.

— Dans la vie de tous les jours

Les multiples usages du phosphore incluent la production d’alliages métalliques, de polycarbonates et de plastiques thermodurcissables. L’additif E341 peut se trouver dans votre dentifrice, plusieurs cosmétiques ou produits pharmaceutiques. Certains détergents contiennent du phosphore, mais sa concentration est règlementée, pour protéger les écosystèmes hydriques.

Si tous les jardiniers connaissent l’importance du phosphore (le P du fameux sigle NPK sur les sacs d’engrais) pour la bonne santé du potager ou des potées fleuries, à plus grande échelle, les phosphates naturels employés depuis plusieurs décennies par l’industrie agricole causent des dommages environnementaux. L’apport d’une trop grande quantité de phosphore dans les sols (aussi due au rejet de résidus de savons phosphatés dans les eaux usées des résidences et des diverses industries) entraîne un déséquilibre dans les cours d’eau, et une perte de biodiversité ; on en voit les effets dans nos lacs, chaque été.

Dans la pharmacie

Le phosphore entre dans la composition du foscarnet, dont la formule chimique est CH3O5P.

Ce médicament est un antiviral utilisé, entre autres, dans les traitements contre la rétinite et le virus de l’herpès.

Quand on y pense, c’est un peu ironique ; le « feu » du phosphore sert à apaiser les « feux sauvages de l’amour ».

L’avenir du phosphore

– Les stocks de phosphate naturel (PN)

Les stocks de phosphore naturel deviennent un enjeu car, bien qu’abondant, c’est un élément non renouvelable. Les mines de phosphate (ou roches phosphatées) demeurent les principales sources de phosphore pour la production d’engrais, et la plupart des réserves de phosphate sont concentrées dans un petit nombre de pays. De plus, l’extraction du phosphate peut avoir des impacts environnementaux tels que la pollution des eaux souterraines et la destruction des écosystèmes locaux.

Les solutions envisagées passent par une meilleure gestion des ressources, le recours à des engrais innovants et le développement de technologies pour récupérer et recycler le phosphore à partir des déchets et des eaux usées.

– Le phosphore noir

Le phosphore noir, violet, ou phosphorène, a rejoint la récente famille (~2000) des matériaux bidimensionnels. Ce semi-conducteur 2D fait l’objet de multiples recherches, et se révèle prometteur, entre autres, dans les domaines de l’électronique, de l’optoélectronique, et de l’énergie photovoltaïque. En outre, sa souplesse et sa transparence à certaines longueurs d’onde de lumière ouvrent la voie à de nouvelles possibilités pour les écrans et l’affichage flexible.

Enfin, les qualités du phosphore noir pourraient se montrer utiles dans diverses applications biomédicales, dont la biodétection, la bioimagerie, et l’administration ciblée de médicaments, notamment dans les thérapies du cancer.

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En conclusion, le phosphore est au centre de l’énergie de la vie, une étincelle au cœur des cellules comme au bout des allumettes, un moteur de croissance pour tous les êtres vivants.

En quelques centaines d’années, la recherche a fait évoluer un talisman magique, blanc et lumineux en un objet noir mystérieux rempli de promesses d’éblouissements technologiques et de guérisons cellulaires.

Alors, oui, on peut dire que le phosphore est « porteur de lumière ».

Images : Wikipédia

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